Jour 6 : Sept-Iles => Havre St-Pierre

Publié le par Julie

    Matinée à l'auberge avec Sylvain. Aujourd'hui, nous poursuivons notre route vers le bout du monde. Je n'ai pas réussi à joindre Andrew, le contact susceptible de nous héberger à Havre St-Pierre, mais nous partons quand même. Une fois sur place nous trouverons bien un toit pour nous loger. J'apprécie beaucoup, de reprendre la route avec Sylvain. Nous sortons de la ville en longeant la mer, puis tendons le pouce, bien décidés à embarquer dans la première voiture en direction de l'est. Tout le monde, depuis que je suis arrivée au Québec, m'a affirmé que le pouce fonctionnait très bien. Est-ce la pluie ? La région ? Parce que nous sommes deux ? Que nous avons nos gros sacs ? Que nous faisons peur ? La seule certitude, c'est que notre tentative s'avère un échec. Une rencontre impromptue illumine notre grisaille. Un Montréalais anglophone échange avec nous quelques mots avant de poursuivre son chemin. Energumène. J'aime. Faute de lift, nous changeons notre fusil d'épaule et grimpons dans le bus.
    La route se déroule sur des centaines de kilomètres, craquelée par les gels et dégels successifs. De part et d'autre, la forêt s'étend à l'infini. Lorsque nous passons sur les hauteurs d'une colline, nous apercevons le fleuve. Au large, un trait gris, plus sombre, plus net : l'île d'Anticosti. Nous passons furtivement devant la chute Manitou gonflée par la fonte de la neige et les pluies des derniers jours. De même que les nombreux cours d'eau que nous franchissons tout au long du voyage. Bouillon printannier à zéro degré. Au loin à l'est, face à nous, un bout de ciel bleu laisse présager d'une météo plus clémente à Havre St-Pierre. Tout est si sauvage... De Sept-Iles à Sheldrake, s'étendent 115 kilomètres de nature sauvage, puissante, inhabitée. Les grands espaces canadiens bien mieux que tout ce qu'on peut imaginer depuis l'Europe, au-delà du 50ème parallèle. Sheldrake. Je me réveille juste avant l'arrivée dans le village. Un beau soleil de fin de journée illumine le paysage. La mer est magnifique, comme toujours. Je me méfiais des illusions, mais c'est fort probable que ce j'ai aperçu soit un aileron. Petit rorqual. Ces baleines sont connues pour s'approcher des côtes et dont l'évent est la plupart du temps invisible. Brève halte à Rivière-au-Tonnerre, baignée d'une belle lumière dorée. La beauté des paysages me fait rapidement oublier notre tentative de stop ratée. Falaises marbrées de rouge et de brun. La rivière St-Jean charrie de gros blocs de glace vers la mer. A mesure que nous avançons, la forêt laisse place à de vastes étendues de tourbière, paradis pour les oies en migration. Deux bernaches confirment mes pensées en survolant le bus.
    Nous arrivons à Havre St-Pierre avec le soleil couchant. La route à suivre est simple, Andrew n'habite pas loin. A la demande de Sylvain, je m'apprête à prendre une photo, lorsqu'une fille nous hèle. Vous venez d'arriver ? Vous dormez où ? Son ami, Luc, est tout aussi jovial et sympathique. Vous êtes Bretons ou vous êtes Français ? Une chance pour nous, d'être tous deux Bretons ! J'avais déjà pu constater qu'être Bretonne constituait une bonne carte de visite au Québec, mais de là à distinguer les deux nationalités... Luc et Daisy nous déposent chez Andrew. Absent. Qu'à cela ne tienne, ils nous emmènent à une autre auberge. Ils cessent leurs activités. La troisième adresse sera la bonne, le très accueillant gîte Chez Françoise. Avec vue sur la mer, s'il vous plaît ! Fatigués, nous discutons de l'étonnante journée que nous venons de vivre. La joie des voyages. Luc revient nous chercher, il nous emmène manger une bonne poutine. Parfait repas pour deux affamés fatigués. Petit tour en voiture jusqu'au belvédère, d'où nous voyons les lumières de la ville, mais surtout une multitude d'étoiles plus brillantes les unes que les autres. La seule fois où j'en ai vu autant, je crois, c'était dans le désert tunisien.
Ciel parfaitement dégagé, aucune pollution visuelle. De retour au gîte, nous discutons encore un peu avec Sylvain. Nous sommes heureux d'être ici, de partager ce bout de route décidément plein de surprises.

Publié dans Québec

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